La porte d'en face, celle qui donnait sur la place de la gare, s'ouvrit.
L'homme entra chez lui . Il accrocha son manteau. Il posa ses chaussures sur le sol. La journée avait été harassante. Entre le directeur qui voulait modifier les normes alimentaires de service et les stagiaires qui ne comprenaient pas pourquoi la directive 45 ne pouvait pas s'accorder avec le protocole ZYB23, il avait l'impression d’avoir passé huit heures au milieu de vampires débiles qui lui drainaient lentement ses capacités cérébrales.
Décidé à oublier supérieurs et stagiaires, il lança son ordinateur. La dernière fois, il avait laissé ces héros à la ville d'Iristoc. Il fallait maintenant les emmener jusqu’à la scène du meurtre de Tyris pour qu'il remonte la piste jusqu’à Isalin.
Après le léger vrombissement caractérisant la mise en marche, il relut ce qu'il avait pianoté la dernière fois.
"Allons vers les plaines d'Elsyks". Cette ultime phrase le paralysait. Il essayait de s'imaginer, flottant dans le monde d'obros, gouvernant ses personnages. Il les considérait comme ses enfants et l'homme sentait que son devoir était de leur donner vie.
"La directive 45 exclut le protocole ZYB23, car dans son essence même, l'alimentaire végétal doit être distingué en plusieurs sous parties, la B23 la B47bis et la B68."
La page restait vierge, impossible de visualiser autre chose que son vétuste ordinateur, que son bureau grisâtre, que son rapport à rendre sur la possibilité d’améliorer les normes alimentaires de services.
Il se mit à rêvasser, il pensa à ses pauvres stagiaires qu'il terrorisait avec ses mimiques sévères, il pensa à ses collègues qui rentraient chez eux chaque jour répétant la même routine, avec le même costume, avec les mêmes gestes et il imagina ce qu'il se passerait si un jour ses personnages rencontraient son patron.
Il l'imagina avec son embonpoint, ses rides, ses attitudes fourbes et fausses, face à Jeho, son personnage principal.
Il imagina son personnage remettre à sa place ce gros sac qui lui pourrissait la vie.
Malgré sa page blanche, notre homme se sentait vivre. Il adorait l'écriture.
Il se tordit de rire.
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